L'évolution de la figure du loup dans les contes

Il y a quelques temps, je me suis rendue dans un parc de préservation des loups. De nombreuses informations étaient disséminées ça et là afin de sensibiliser à la protection de ces bêtes magnifiques. Dont un panneau entier consacré au rôle du loup dans les contes de fée.   Le loup, souvent appelé « Grand méchant loup », histoire de lui donner une connotation négative et effrayante plus importante, est un personnage traditionnel des contes de fée. A quelques rares exception près, il y joue toujours le rôle du méchant.  


Mais pourquoi utiliser le loup comme ennemi ?   

Tout simplement parce qu’à l’époque des premières apparitions de ces contes, le loup était présent dans les forêts européennes, et ce en grand nombre. Il avait la réputation de s’attaquer aux hommes, ce qui, évidemment était très inquiétant pour les populations. Un naturaliste m’avait expliqué les origines de cette croyance : à une époque où les maladies mortelles étaient courantes, notamment la peste, il fallait évacuer les corps des cités. Ils étaient donc déposés dans la forêt, loin de ceux qu’ils pourraient encore contaminer. Attirés par de la nourriture facile, les loups se seraient nourris de ces corps. 

Ainsi serait née la légende des loups mangeurs d’hommes.  Ceci en fait une figure cauchemardesque : grand, noir (jamais un loup de conte n’est gris ou blanc) méchant, et étonnamment solitaire pour un animal aux mœurs grégaires.


Que représente le loup ?  


De nombreuses choses, et tous les chercheurs ne sont pas d’accord entre eux !  

Certains estiment que le loup, en étant qualifié de « grand », s’oppose au « petit » qu’il cherche à dévorer à l’instar des trois petits cochons ou du petit chaperon rouge. Il s’attaque ainsi à plus faible que lui, sans la moindre hésitation et même avec ruse et envie. Le « petit » ne pourra le vaincre qu’à l’aide d’un « grand » : le troisième cochon, plus mature que les autres avec sa maison de briques, par exemple. Je me refuse à citer le chasseur du petit chaperon rouge, qui n’existait pas dans les premières versions du conte. En effet, les versions de Charles Perrault ne laissent que peu de chances aux héro.ines : le petit chaperon rouge fini dévoré, par exemple. Combattre le loup apparait alors impossible pour un faible, un petit, un enfant. Ce sont les frères Grimm qui vont introduire la figure du chasseur, qui est considéré par certain.es aujourd’hui comme le comble du patriarcat, puisque les deux figures féminines du conte, affaiblie par leur âge et leur condition de femme, ne doivent leur survie qu’à l’intervention d’un homme grand, fort et courageux.  

Pour d’autres, les choses sont plus simples : il s’agit d’opposer le bien et le mal. Le méchant loup contre les enfants naïfs et gentil, contre la mère protectrice, contre la grand-mère fatiguée… Il me semble que les enfants les voient plutôt ainsi.    


Les choses changent  


La première tentative de rendre le loup plus agréable date de la fin du XIXème siècle, avec une publication dans le Magazine des enfants intitulée « Compère loup n’est plus méchant » (je n’ai malheureusement pas encore trouvé cette publication pour la lire moi-même).  

D’autres ouvrages ont suivi, moins pour enfants mais pour adultes, avec « Le livre de la jungle » où Mowgli est recueilli (et non dévoré) par une meute de loup, ou encore « Croc blanc », terrible histoire dans lequel Jack London s’essaye à une approche naturaliste.  

Aujourd’hui, les histoires pour enfants contenant des loups dans le rôle du gentil sont légion. On retrouve Loup, P’tit loup, Le loup en slip et plein d’autres. Ceux-là sont gentils, naïfs, apprennent le monde autour d’eux et leurs propres défauts. Ils sont moins stéréotypés et caricaturaux que leurs grands méchants ancêtres. En effet, aujourd’hui, nous n’avons plus à craindre les loups dans la forêt. Nous savons que ce sont des animaux craintifs qui ne mangent pas les hommes. Ils n’ont rien de méchants, ils sont simplement sauvages. Comme toute la faune forestière.  

Beaucoup de choses évoluent dans les contes d’aujourd’hui, qu’il s’agisse d’histoires neuves ou de réécriture. La réhabilitation de l’image du loup est importante, car nos histoires reflètent notre société. Ainsi, désormais, la nature sauvage n’est pas un ennemi incompris, un monstre dans le noir, des crocs dégoulinants de sang. La nature sauvage est belle, douce, certes dure, mais pas dangereuse pour nous. Du moins, dans nos contrées européennes où les animaux réellement dangereux pour l’homme sont, en vérité, très rares.    


Source : parc des loups du Gévaudan, Soigneur du Zoo de Beauval,