En ce moment, on parle beaucoup de la trend sur les écarts d’âge dans le couple. Elle consiste à exposer cette différence d’âge, du moment de la rencontre à aujourd’hui. Une tendance qui peut poser problème pour plein de raisons que d’autres expliquent mieux que moi.
Moi, ce dont je veux parler, c’est de la représentation permanente et glamourisée de cet écart d’âge dans les romans.
C’est quelque chose qui m’étonnait, mais ne me gênait pas il y a 20 ans quand, les éditions Milady étant à leur apogée, elles inondaient les librairies d’histoires de vampires millénaires et autres créatures surnaturelles antédiluviennes. Au fil du temps, j’ai été lassée de l’aspect mâle alpha de ces hommes, puis plus tard par cet écart d’âge.
Quand je pense à cette trend, la première œuvre qui me vient à l’esprit est connue de tous : Twilight. . Histoire d’amour adorée de par le monde malgré de nombreux actes plus flippants que romantiques de la part d’Edouard (red flag absolu : rentrer dans la chambre de Bella la nuit pour la regarder dormir)
Comme tous les vampires de tous les romans, Edouard est vieux puisqu’il est né au début du XXe siècle. Et quand je dis au début, c’est en 1901. L’héroïne, quant à elle, est née en 1987. 86 ans d’écart, ce n’est pas le pire que l’on peut trouver dans les histoires de vampires. Ça reste quand même énorme, non ?
En apparence, les deux personnages ont 17 ans. Comme si l'apparence suffisait à atténuer la différence d'âge réelle. Edouard à l’expérience et la psyché d’un homme de 100 ans. Cela seul fournit un terreau de domination de la part d’Edouard sur Bella. Mais cela ne s’arrête pas là, car, comme tous les vampires de toutes les histoires, Edouard est riche quand Bella est juste normale. Edouard a des connaissances et des connexions grâce à sa famille quand Bella ne connait personne (à part Jacob, mais c’est un autre problème). De plus, physiquement, il est bien plus fort qu’elle : outre qu’il brille au soleil (j’en ris encore), il est plus rapide et plus fort, d’une façon qu’aucune femme mortelle ne peut égaler. Pire que tout : au fil de l’évolution de l’histoire, le monde entier de Bella se met à tourner autour de celui d’Edouard : elle récupère sa famille, sa pensée, jusqu’à ses ennemis.
Quels sont les points forts de Bella dans cette relation ? À quel moment a-t-elle quelque chose de plus qu’Edouard, quelque chose qui lui permettrait de contrebalancer cette dynamique de pouvoir ? Aucun. L’unique point fort de Bella est d’exister.
C’est plus qu’insuffisant dans ce type de relation totalement déséquilibrée.
Cette relation entre Bella et Edouard est donc une représentation, parmi tant d’autres, de cette dynamique de pouvoir qui peut s’installer lorsqu’un couple a un tel écart d’âge. Parce qu’il ne s’agit pas uniquement de l’âge : il s’agit de tout ce que 5, 10, 20 ans de plus peut apporter au plus âgé des deux et qui lui permet, consciemment ou non, volontairement ou non, d’asseoir un rapport de domination voire d’emprise sur le plus jeune.
L’amour reste possible, évidemment. Je ne suis pas si cynique. Mais en réalité… toutes ces questions doivent se poser. Le plus jeune pourrait-il continuer à vivre de la même manière sans le plus vieux ? Serait-il détruit sans lui ? Ou ne serait-il qu’une relation ratée, comme n’importe qui peut en avoir, qui impacte le moral un temps, mais qui, finalement, ne change pas profondément l’estime de soi et le mode de vie du plus jeune ? Dans le cas de ces nombreux romans du type de Twilight, la réponse est simple : l’un ne peut plus vivre sans l’autre. Une codépendance qui elle aussi est complètement anormale et inquiétante. Elle laisse également le champ libre à une possessivité exacerbée, tel qu’elle a pu se manifester lorsqu’Edouard ressuscite Bella en la transformant en vampire. Il ne veut pas qu’elle vive pour elle, il veut qu’elle vive pour LUI. L’avis de l’adolescente, son choix de vivre en humaine ou en immortelle, il s’en fiche. Ce qu’il veut, LUI, c’est qu’elle vive, peu importe le prix.
Bon, je crois que vous avez compris que je n’aimais pas cette série de roman, et encore moins les films (désolée ma belle-sœur). Pour plein de raisons, et celles que je viens d’énumérer en font partie.
Maintenant, parlons vraie vie : comment savoir s’il y a un rapport de domination, voire une emprise dans un couple ? Et bien il y a des signaux d’alerte :
- l’isolement (Bella a son père, mais sa relation avec lui est pas ouf) - la domination financière (qui entraine une dépendance. Ce sujet n’est jamais directement abordé dans Twilight et pourtant il est bien présent) - la domination physique (plus grand, plus fort, plus dangereux) - la possessivité (tu es à moi, pas à Jacob ni personne d’autre) - la perte de contrôle sur sa vie (rentre dans ma famille, deviens une vampire, je l’ai décidé)
Ceux-là se retrouvent dans Twilight. Il y en a d’autres, plus insidieux, qui, il me semble, ne sont pas présents dans cette série de roman : la manipulation émotionnelle, le gaslighting, la perte d’estime de soi, etc. Pour les connaitre, mieux vaut se tourner vers les associations spécialisées telles que le CIDFF de votre département. Chez moi, c’est le CIDFF Ardèche (Accueil - Ardèche — CIDFF) ou l’AMAV07 (AMAV – FRANCE VICTIMES 07 – Association de Médiation et d'Aide aux Victimes).