Il y a quelques temps je suis tombée sur un article consacré aux « Monster boyfriends ». L’article en question (dont j’ai perdu les références) expliquait qu’il s’agissait d’une tendance actuelle, un sous-genre de la romance.
Il y a toujours eu des modes, en littérature comme ailleurs. Les vampires, les loups-garous, les bad boys… il y a même eu une période où les maisons d’éditions ont tentées de nous séduire avec des zombies (Je ne suis pas mécontente que ça n’ait pas fonctionné d’ailleurs).
Désormais, donc, nous en serions aux Monster boyfriend, des intérêts amoureux à l’aspect monstrueux, comme ce fut le cas dans « La forme de l’eau ». coécrit par Guillermo del Toro (dont j’adore le style, mais je m’égare).
Moi, ça me fait aussitôt penser à La Belle et la Bête. Y a-t-il plus emblématique Monster boyfriend que La Bête ? Ça me fait aussi penser à cette trend récente dédiée aux femmes durant laquelle les hommes ont découvert que nous préférions croiser un ours dans la forêt plutôt qu’un homme.
Je m’explique.
La Belle et la Bête est un conte-type (on en parlera une autre fois). Répandu à travers le monde, il est identifiable malgré ses variations locales (Belle est fille unique ou a plusieurs sœurs, les raisons de la transformation de la Bête, etc). Il comporte toujours les thèmes de l’amour et de la rédemption. Le point de départ est toujours le même : La Bête est un prince transformé en Bête par une sorcière/fée/enchanteresse. La raison varie selon les versions du conte. L’idée générale reste la même : La Bête était un homme d’une grande beauté, mais mauvais et puni pour ses actions. Selon les versions, sa version monstrueuse prends l’apparence d’un chat humanoïde (le film de Jean Cocteau de 1946), d’une bête indéfinissable (le Disney de 1991), d’un sanglier…
Sa transformation lui fait perdre sa beauté, mais lui fait trouver son humanité.
Ainsi, lorsqu’il rencontre Belle, d’une grande beauté mais aussi douce et intelligente, son humanité refait surface. Il se montre gentil, attentionné, généreux et, en dépit de son apparence, loin d’être dangereux pour elle. D’abord terrifiée par son apparence (et par les circonstances, n’oublions pas qu’elle s’est sacrifiée pour sauver la vie de son père), elle découvre petit à petit l’homme qu’il est à l’intérieur de son corps bestial.
Maintenant, parlons du personnage de Gaston. Gaston n’existe pas dans le conte. A la place, il y a les maris de ses sœurs. Si elles sont gâtées, capricieuses et attirées par la richesse, leurs maris sont chacun un symbole : la beauté d’un côté, l’intelligence de l’autre. Gaston, pour sa part, est un concentré de masculinité toxique : imbue de sa personne, satisfait de son physique, cruel, manipulateur, agressif et j’en passe. Son seul atout est, d’après le film, sa beauté (toute relative).
Ainsi, La Belle et la Bête fait s’opposer deux types de personnages : le laid et bon (La Bête), le beau et mauvais ( les maris, ou Gaston).
Je pense pouvoir dire sans me tromper qu’aucune d’entre nous ne choisirait les maris ou Gaston. Nous préférons toutes la Bête qui, sous son aspect monstrueux et en dépit de ses crises de colère, est touchante, attachante et même séduisante. (OK, il reste toxique, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui)
Ainsi, nous choisissions déjà l’ours avant que la question ne soit posée. La Bête semble, ainsi, être l’un des premiers Monster boyfriend de la littérature.
Depuis la première version écrite en 1740 par Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, dans son recueil de contes La Jeune Américaine et les contes marins, l’histoire de La Belle et la Bête a été reprises de très nombreuses fois dans la littérature, le cinéma, le théâtre, la musique… Les versions les plus connues sont sans doute les films de Jean Cocteau et de Disney précités. On la retrouve aussi dans certains mangas (The beauty and the beast of paradise lost, de Kaori Yuki), ou intégrée dans la grande histoire de certains romans (The Witcher). Il m’en manque très probablement !