Le féminisme d'Olympe de Gouges

« La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits » , article premier, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791 


Une semaine après le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, j'ai envie de vous parler d'une des pionnières du féminisme : Olympe de Gouges.

En vivant au XVIIIe siècle, elle a connu la Révolution française, Robespierre, les Girondins... elle a pris ouvertement des positions politiques et idéologiques pas toujours (si ce n'est jamais) dans l'air du temps.


Les positions d'Olympe de Gouges ont été primordiales dans la lutte pour les droits des femmes. Et pourtant, c'est un nom que je ne connais réellement que depuis peu... Pourquoi ? Parce que l'école ne m'en a jamais parlé. D'ailleurs, quel grand nom féminin l'école m'a-t-elle appris ? Celui de Marie Curie, et uniquement parce qu'elle a eu le génie de gagner deux prix Nobel. Mais toutes les autres ? Celles qui ont eu l'audace de lutter contre les diktats de leur époque ? Celles qui ont essuyé des affronts bien plus grands que les nôtres, celles grâce auxquelles nous avons le droit de vote, le droit de travailler, d'avoir un compte bancaire, d'être libres ? Même le nom de Simone Veil ne m'a pas été appris à l'école. Et pourtant, elle est une figure historique importante.


Revenons à Olympe de Gouges. J'ai honte de dire qu'en dépit de mon cursus juridique, je n'ai vraiment découvert son nom et son œuvre que grâce... au film de Caroline Vigneaux, Flashback, dans lequel une avocate aux attitudes tout sauf féministe va revivre les moments les plus importants de la lutte pour le droit des femmes. Elle y rencontre, entre autres, Olympe de Gouges.

Il y a (comme souvent) une explication historique à ce manque d'information concernant cette femme de lettres. Elle a été presque invisibilisée lors de la première publication de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : 5 exemplaires seulement. Un bel exemple de silenciation des femmes. Des extraits de sa Déclaration n'ont été publiés un peu plus largement qu'en 1840 et ce n'est qu'en 1986 que le texte a été publié en entier ! Deux cent ans, beau délai pour être lue et reconnue.


Au-delà de sa Déclaration, cette femme, fille de bourgeois, a produit une œuvre importante. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est sa lutte pour le droit des femmes. Autrice de pièces de théâtre, elle y transmet déjà des idées féministes et notamment la nécessité du divorce en 1790 (droit obtenu en 1972) ! Dans ses écrits, elle mentionne également des sujets plus pragmatiques, qui nous semblent d'une grande évidence aujourd'hui, dont la création de maternités. Et oui, à l'époque, les femmes accouchaient dans des services généraux et non spécialisés comme aujourd'hui.


C'est en 1971 (date, il me semble, où l'héroïne de Flashback la rencontre) qu'elle rédige et publie la Déclaration de la femme et de la citoyenne. Là encore, je n'ai rien appris là-dessus durant ma scolarité... 

J'ai donc découvert que, dès le préambule, Olympe de Gouges proclame : « Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements »,


Une jolie façon de dire ce que nous crions toutes aujourd'hui : Regardez-nous ! Pensez à nous ! Respectez-nous ! Apprenez de nous ! Et grâce à nous, mettons fin aux drames !


Dès son article 4, elle expose  les conséquences du patriarcat sur les femmes : « L'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose ». Personne ne doute qu'à l'époque, la société ait été patriarcale. Aujourd'hui, où se joue cette « tyrannie des hommes » ? Dans le contrôle de nos corps, de nos vêtements, de nos ressources financières, de la durée de notre temps de travail... N'est-ce pas, finalement, la même chose qu'à l'époque ?
Dans la continuité de cette volonté de lutter contre le patriarcat, Olympe De Gouges, ainsi qu'elle expose dans son article 11, qu'il est naturel qu'une femme expose librement la paternité d'un homme sans avoir à subir la contrainte du mensonge. Cela avait pour but de s'appliquer, à mon sens, à ces naissances hors mariages plus ou moins honteuses pour le père. Ainsi, par l'énonciation de la vérité, mère et enfants pouvaient être protégés. Plus ou moins.


Deux articles plus tard, elle explique que la femme « à part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie. » Charge mentale et droit au travail, déjà au XVIIIe siècle ! Le droit au travail, nous l'avons depuis obtenu, même s'il est limité, entre autres, par la « tyrannie des hommes » qu'elle a mentionnée plus haut, mais aussi par les obligations qui incombent aux femmes par le biais de sociétés : s'occuper de la maison, des enfants, décharger l'esprit des hommes des soi-disant futilités, se montrer multitâches et finalement s'épuiser mentalement avant de l'être physiquement.


Son article 16 n'est pas moins avant-gardiste que les autres puisqu'elle estime que « 
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à sa rédaction. » En voilà un article d'actualité. Je pourrais reparler de la liberté de pratiquer l'IVG. Un exemple parfait de l'importance de l'opinion publique et, surtout, de l'opinion des femmes sur les droits qui doivent être protégés par notre Constitution.


Ainsi, Olympe de Gouges expose dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne un bon nombre d'idées que nous partageons toujours aujourd'hui. Certains objectifs ont été atteints, mais, à mon sens, ils ne l'ont été que partiellement. Les préjugés persistent, les biais persistent, le sexisme, la misogynie, la violence persistent.


Olympe de Gouges a été guillotinée en 1793 pour avoir évoqué la possibilité d'un retour à la monarchie constitutionnelle. Son désir était de permettre au peuple de voter pour son régime politique. Un avis révolutionnaire qui lui a coûté la vie.


Aujourd'hui, Olympe de Gouges est considérée comme une pionnière du féminisme. Pourtant, nous sommes au XXIe siècle, et nous n'avons pas encore mis en place toutes ses idées . Alors, je terminerai par les mots mêmes de cette grande penseuse aux idées si avant-gardistes :


« Femme, réveille-toi! »


                                                                                               Rêve de plume

                                                                                                    mars 2024